Chantier 3 : la rémunération
Chantier qui prévoit de « faire évoluer » la/les politique(s) de rémunération des fonctionnaires.
Mais de quoi parle-t-on quand on parle de la rémunération des fonctionnaires ?
Le fonctionnaire perçoit un traitement et non un salaire. Un gouvernement qui lui met en avant la valeur « travail » au centre de ses politiques donne à réfléchir : le salaire désigne toute rémunération concernant le travail. Son montant est calculé soit de manière forfaitaire soit par la quantité de travail fournie.
Le traitement quant à lui désigne la rémunération versée aux fonctionnaires. La rémunération des fonctionnaires dépend de l’indice mais aussi de divers suppléments liés à la situation de famille (supplément familial), au lieu d’exercice (indemnité de résidence, prime REP ou REP+), à la spécificité d’exercice (NBI internat, NBI pour les conseillères techniques, NBI handicap) et de la manière de servir à travers le RIFSEEP et l’IFSE.
On voit très vite où l'évolution envisagée peut nous conduire, à savoir que seule la manière de servir permette « d’évaluer » le fonctionnaire sur le critère « travail » si cher à ce gouvernement.
Le SNICS a longuement démontré et défendu que notre profession ne pouvait être évaluée que sur la manière de servir et en aucun cas sur la qualité des soins que nous dispensons auprès des élèves et des étudiants. Nous avons tout mis en œuvre pour obtenir que le RIFSEEP n’entraîne pas d’inégalités de traitement entre les collègues.
La réalité est bien différente. Lors de tous les groupes de travail pour mettre en place le RIFSEEP, le SNICS a toujours défendu UNE même IFSE pour tous.tes que l’on exerce en internat, en externat, auprès des IADASEN ou recteurs alors que d'autres organisations syndicales étaient favorables à différencier les missions des infirmier.ères et attribuer plus à certain.es et moins à d'autres sur des critères forts tendancieux...
Sur le terrain, à ancienneté égale, la différence de salaire peut être énorme.
Des exemples pour comprendre :
Une infirmière CS au 6°échelon de l’académie X sans enfant à charge exerçant en internat gagne environ 2260 euros (traitement, IFSE, NBI internat), sa collègue CS au 6° échelon sans enfant à charge mais exerçant en externat en REP+ gagne environ 2628 euros (traitement, indemnité de résidence, IFSE, indemnité REP+). La différence de rémunération est de 16% entre ces deux collègues qui exercent pourtant la même profession et ont une carrière identique. Les conditions de travail sont certes un peu différentes mais rien ne justifie un tel écart.
Et pourtant ça peut être encore plus injuste !
Dans certaines académies, l’écart de l’IFSE est abyssal. On passe de 141 euros pour une collègue en internat à 1043 euros pour la collègue ICT soit 639% de différence !
Il n’y a pourtant pas de fonctionnalité entre infirmier.ères de l’Éducation nationale et chacun.e PEUT exercer sur tout poste (internat, externat, inter-degré, université, ICT). La rémunération ne devrait pas présenter de telles différences. De plus, la difficulté à recruter se situe davantage dans les internats que dans les REP+ et pourtant c'est là où la rémunération est la plus faible.
Les primes ne sont soumises que partiellement aux cotisations retraite et n'entrent pratiquement pas dans la pension versée. La plus grande part de ce qui est perçu à la retraite vient de l'indiciaire.
Une évaluation du coût financier pour l’État de toute la durée de la vie d'un fonctionnaire (de sa prise de fonction à son décès) a été établie à 3,5 millions d'euros. Ce chiffre tient compte de la rémunération, des charges, des frais de formation, de transport, de la retraite et éventuellement de la pension de réversion.
On comprend mieux l’intérêt du gouvernement à faire évoluer la politique de rémunération. Un chantier d’envergure donc que le chantier 3 de CAP22, qui entend « ré-interroger» les composantes de la rémunération des agents publics, dans un esprit de réduction de la masse salariale de l’état. On s’oriente vers plus de « mérite » et une individualisation des carrières.
Vouloir prendre en compte le mérite c’est placer sur une échelle ce qui est bien, moins bien, moyen… Or, on ne peut attribuer du mérite aux actes infirmiers qui sont déterminés par le Code de la Santé Publique.
L’art R 4312-63 précise que « L’infirmier, quel que soit son statut, est tenu de respecter ses devoirs professionnels et en particulier ses obligations concernant le secret professionnel et l’indépendance de ses décisions. En aucune circonstance l’infirmier ne peut accepter, de la part de son employeur, de limitation à son indépendance professionnelle. Quel que soit le lieu où il exerce, il doit toujours agir en priorité dans l’intérêt de la santé publique, des personnes et de leur sécurité ».
Ce qui implique que le mérite ne peut s’appliquer aux infirmier.ères.
Par ailleurs, pour être attractif, le mérite ne doit concerner qu’un petit nombre d’individus à qui on octroie une prime conséquente. Imaginons que 10% de collègues seulement pourraient prétendre à 30% de salaire en plus (c’est le schéma retenu par d’autres pays pour garantir l’attractivité du métier). Cela voudrait dire qu’à Nancy-Metz seulement 32 IDE, et en Corse seulement 3 IDE pourraient avoir un salaire très valorisé par le « mérite ». Comment se définiraient les critères de choix ? Devrait-on compter dans les entretiens professionnels le nombre de « remarquable », d’« exceptionnel »…
On voit très vite la limite de ce système et inévitablement l’effet tunnel de la méthode afin de coller le plus possible aux critères de « mérite » oubliant au passage le sens de notre métier !
Mais on voit bien aussi poindre d’autres critères comme avec les REP+ et la majoration de la prime cette année : 1000 euros supplémentaires/an avec une « carotte » de 2000 euros supplémentaires pour les établissements les plus « remarquables » l’an prochain.
L'évolution des rémunérations serait due pour 52% à des mesures générales (augmentation du point d'indice, GIPA (garantie individuelle du pouvoir d'achat)), pour 25% à des mesures individuelles, pour 23% à des mesures catégorielles (grilles indiciaires, indemnités).
On comprend mieux les propositions d'Emmanuel Macron, lors de la conférence des territoires le 17 juillet 2017, à savoir différencier le point d'indice entre les trois versants de la Fonction publique. Pour le Président, il est indispensable de ne pas avoir la même gestion des FP car les réalités y sont différentes.